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.» C'étaient les derniers mots que j'avais reçus de lui, ça faisait plus d'un mois maintenant.Nous avons bavardé une bonne heure, lui face à sa colline et moi devant l'établi, une planche de bois verticale où des clous servaient d'attaches aux tournevis et aux pinces, aux paquets d'écrous et aux clés anglaises.Des araignées aux pattes immenses y circulaient en slalomant.La conversation a glissé sans heurt d'un sujet à l'autre, j'ai fait le tour du jardin plusieurs fois, arrachant ici une mauvaise herbe, me griffant les mains dans un buisson.Dans le ciel en lambeaux brillait une lune très blanche et presque pleine.J'ai raccroché à mi- chemin entre ici et là-bas, entre la côte déchiquetée où se jouait de nouveau ma vie et les nuées d'érables, les temples déserts, les sanctuaires aux pierres alignées où se jouerait la sienne pour quelques semaines encore.Je me suis remis au boulot, le sommeil gagnait et le froid m'avait engourdi pieds et bras.Quand tout m'a semblé tenir à peu près j'ai redressé l'ensemble, ça pesait dix ânes morts et branlait un peu, j'ai tout resserré à l'aveugle, de temps à autre un nuage rendait à la nuit son obscurité naturelle.Il n'était pas loin de trois heures du matin quand j'ai entrepris de couler du ciment dans les quatre trous creusés à la bêche.J'ai plongé les sardines dans le liquide épais.Après ça il ne restait plus qu'à monter le toboggan.Le bois résistait et j'ai eu beau appuyer, il n'a rien voulu savoir.Je me suis dirigé vers la remise, je me suis pris les pieds dans les barreaux de l'échelle, six putains de petits cylindres d'acier peints en vert qui ont fait un boucan terrible, J'ai mangé la terre, un goût fade de bois mort et d'eau pâteuse.La perceuse faisait plus de bruit qu'un moteur d'hydravion mais ça s'enfonçait dans le pin comme dans du beurre.J'ai percé huit trous et quand le foret a eu fini de tourner sur lui-même comme une toupie démente, j'ai senti une présence dans mon dos.Je me suis retourné.Minuscule et frigorifié dans son pyjama trop fin, Spiderman lançant sa toile depuis son torse maigre, Clément m'observait en se frottant les yeux.- Qu'est-ce que tu fais là ? Je t'ai réveillé ?-Non.Je ne dormais pas.J'ai entendu du bruitc'est tout.J'ai préféré ne pas poser de question sur ce qui pouvait bien le tenir éveillé comme ça en pleine nuit.Je me suis approché de lui et je lui ai frotté le dos pour le réchauffer.- Et Manon ?- Elle dort.-Il faut que tu retournes te coucher, Clément, demain y a école et.- Tu crois qu'elle est morte, maman ?J'ai senti mes jambes se dissoudre.Clément me fixait de ses grands yeux vibrants, c'était la première fois qu'il abordait la question et il attendait une réponse.Je ne voyais aucun moyen de me défausser, de m'en sortir proprement.Je l'ai pris par la main et on s'est assis dans l'herbe.J'ai senti l'humidité me geler les fesses et tremper mes cuisses.Par-dessus le mur, la voisine avait allumé sa lampe dans le salon.D'où j'étais je ne pouvais pas la voir mais je l'imaginais les yeux rivés au ciel, le front collé à la vitre et son bol de tisane posé sur la table à refroidir, une cigarette entre les doigts de la main droite, presque transparente dans la clarté lunaire.Clément regardait par terre et dans le ciel laiteux un goéland s'est mis à gueuler, d'habitude on ne les entendait jamais la nuit, je m'étais toujours demandé ce qu'ils pouvaient bien faire une fois le soleil couché, s'ils dormaient ou quoi, s'ils se retrouvaient sur un îlot ou dans les falaises pour passer la nuit serrés les uns contre les autres.- Et toi, mon chéri, tu crois quoi ?- Je crois qu'elle est morte.- Pourquoi tu dis ça ?-Parce que sinon c'est pas possible.Elle ne nous aurait pas laissés comme ça tous les trois.On s'aimait trop tous les quatre, hein, papa ?Les larmes me montaient dans la gorge et mouillaient mes yeux.J'ai attiré le gamin contre moi et je l'ai serré, ça faisait des mois que je l'avais pas senti aussi proche, aussi présent, et pourtant je le serrais fort comme s'il allait s'envoler, comme si ça pouvait changer quelque chose, le consoler de quoi que ce soit.- Allez viens mon chéri, ai-je fait.On va se coucher.Il a hoché la tête et on est montés dans ma chambre.L'air chaud de la maison nous a enveloppés et mes pieds se sont décongelés d'un seul coup.Pendant que Clément se glissait sous les draps, je suis allé chercher Manon, elle avait repoussé sa couette et sa chemise de nuit remontait jusque sous ses bras, la laissant tout à fait nue, j'avais beau insister elle refusait les pyjamas et s'entêtait à porter ça été comme hiver, le tissu n'était pas plus épais qu'un mouchoir.Je l'ai portée jusqu'au lit et je me suis allongé entre eux.Elle a grogné puis s'est collée contre moi.Clément a posé sa tête sur mon bras qu'il a rabattu en écharpe.Il s'est assoupi en quelques secondes.Manon ronflait.Je suis resté toute la nuit comme ça, au milieu des enfants et les yeux ouverts dans le noir.Les mots du petit me tournaient dans la cervelle, l'aplomb avec lequel il avait prononcé ces paroles, moi-même je ne l'avais jamais vraiment eu, je n'avais même jamais souhaité l'avoir [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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