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.Tobin l’y suivait aussi, et c’est là qu’il apprit avec stupéfaction que la famine et la maladie sévissaient dans des bourgs voisins.Alors que ces calamités n’avaient jusque-là, semblait-il, frappé que l’autre bout du monde.Cependant, tout éclatante que fût Mère dans la journée, sitôt que commençaient à s’allonger les ombres de l’après-midi, la lumière avait également l’air de se retirer d’elle, et elle montait se réfugier à l’étage interdit, le second.Tobin s’en affligea d’abord, mais jamais au point d’être tenté d’aller l’y retrouver.Le lendemain matin la verrait reparaître, à nouveau souriante.Le jour semblait aussi régler les allées et venues du démon, qui se montrait de préférence actif dans le noir.Si les marques laissées par ses dents sur la joue de Tobin ne furent pas longues à guérir et à s’estomper, il n’en fut pas de même pour la terreur suscitée par son agression.Nuit après nuit près de Nari, Tobin resta malgré lui hanté par l’image d’une forme noire et ratatinée qui rôdait dans l’ombre et qui, brandissant des serres crochues, babines retroussées sur des dents aiguës, pinçait, tiraillait, s’apprêtait à le mordre et à le remordre.Il vécut couvertures tirées jusqu’aux yeux et apprit à ne plus jamais rien boire après le souper, pour n’avoir pas à se lever dans les ténèbres et à courir après le pot de chambre.La paix fragile avec Mère tenait déjà bon depuis plusieurs semaines quand, pénétrant un beau jour dans la chambre aux joujoux, Tobin l’y trouva qui l’attendait, installée devant une table inconnue.« Pour nos leçons », expliqua-t-elle en l’invitant d’un geste à prendre l’autre siège.Il eut le cœur chaviré lorsqu’il aperçut tout un attirail d’écriture et des parchemins.« Père a déjà essayé de m’enseigner, dit-il.Je n’ai pas été capable d’apprendre.»La mention de Père la fit légèrement sourciller, mais son front redevint vite lisse.Elle trempa une plume dans l’encrier, la lui tendit, disant : « Essayons de nouveau, veux-tu ? Peut-être ferai-je un meilleur professeur »On ne peut plus sceptique, il prit la plume et s’efforça d’écrire le seul mot qu’il connût, son nom.Elle le regarda se débattre un petit moment, puis récupéra gentiment la plume.Il demeura comme pétrifié.Devait-il s’attendre à quelque explosion ? Or, loin d’exploser, Mère se leva, gagna la fenêtre sur l’appui de laquelle étaient sagement rangées quelques-unes des figurines de cire et de bois.Elle s’empara d’un renard avant de se retourner pour dire: « C’est bien toi qui l’as fait, n’est ce pas ? »Il acquiesça d’un hochement.Elle les examina toutes, une à une: le faucon, l’ours, l’aigle, un cheval au galop, le Tharin armé d’une écharde-épée qui n’était qu’un essai grossier.« Ce ne sont pas mes meilleurs, plaida-t-il avec timidité.Mais les meilleurs, je les distribue.— À qui ? »Il haussa les épaules.« À tout le monde.» Les domestiques et les soldats s’étaient toujours récriés devant ses ouvrages, allant même jusqu’à le prier d’exécuter telle ou telle bête.Ainsi Maniès avait-il eu envie d’une loutre, et Laris d’un ours.Koni, qui préférait les oiseaux, lui, l’avait remercié d’un aigle en lui donnant l’un de ses petits couteaux pointus et en s’arrangeant pour lui procurer des morceaux de bois tendre faciles à travailler.Cependant, tout content qu’il fût de leur faire plaisir à tous, il réservait toujours à Père et à Tharin ses œuvres les mieux réussies.L’idée d’en offrir une à Mère ne lui avait jamais traversé l’esprit.Se pouvait-il qu’elle en soit blessée ?« Il vous ferait plaisir ? » demanda-t-il en désignant le renard qu’elle tenait toujours.Elle lui fit une petite révérence en souriant.« Ma foi, je vous en remercie, messire.»Une fois rassise à sa place, elle le posa sur la table entre eux puis, tendant la plume : « Tu peux me le dessiner ? »Jamais il ne s’était avisé de rien dessiner, alors qu’il était tellement à l’aise pour modeler.! Il baissa les yeux sur la page blanche en se taquinant le menton avec les barbes de la plume.Extraire une forme quelconque de la cire souple était enfantin, mais réaliser la même forme de cette façon-là., ça, c’était une tout autre affaire.Il s’évoqua l’image d’une renarde surprise un beau matin dans la prairie, puis il essaya de tracer des traits qui attrapent et le dardé vigilant des oreilles et la ligne du museau pendant qu’elle chassait des campagnols dans l’herbe.Il la revoyait avec une incroyable netteté, mais fut incapable, en dépit de tous ses efforts, de forcer la plume à bien se tenir.Les gribouillages qu’elle faisait n’avaient rien d’un renard [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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