[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.Une bonne ambiance qui me rappelait les grandes AG du syndicat que j’adorais suivre, pour deviner, aux faciès, aux réactions de ceux qui écoutaient et éructaient, aux mouvements de foule, la teneur idéologique de l’orateur.En tant qu’anarcho-syndicaliste, connaissant parfaitement ceux de ma tendance, c’était facile, car tous les autres étaient obligatoirement des petits chefs, des kapos, des sociaux-traîtres, des chiens de garde du capital.Quand Zaïr s’est mis à hausser les épaules d’une façon un peu mécanique, il en avait assez, je lui ai fait signe et il m’a amené à la salle des profs.Je faisais en sorte de bien repérer les lieux, les rangeant dans ma mémoire, tentant de dresser un plan informel des lieux.Le long du couloir aux murs orange et gris, beaucoup de gosse assis, des très jeunes un peu décontenancés, peut-être leur première grève sur le tas, en train d’observer toute cette agitation et, en même temps, de réviser leurs leçons sur des livres scolaires, ouverts à même le sol.Beaucoup de couples aussi, la joie et l’excitation d’une certaine liberté renforçant les leurs, leur donnant force et courage de se rouler des patins, et d’en avoir le droit, ce n’était pas un jour comme aujourd’hui où l’on pourrait leur interdire de s’étreindre aux yeux du monde.Je ne voyais pas beaucoup d’adultes, noyés dans le tas d’élèves, cinq cents ou six cents braillards entassés dans ce premier étage du bahut.Nous sommes passés devant un petit hall, se trouvant au rez-de-chaussée de l’autre entrée, donnant sur un terre-plein avec quelques fleurs et une bizarre statue de métal, le lycée étant construit à flanc de colline, et Zaïr m’a enfin indiqué la porte entrebâillée de la salle des profs.J’ai pris mon courage à deux mains et je suis entré.Beaucoup de monde, odeur de cigarettes, odeur aussi de l’alcool servant à faire les polycopiés, odeur également de photocopieuses chaudes, odeur de sueur, les professeurs, en groupes, certains assis sur des tables, faisaient aussi, de leur côté, une mini AG.Ils m’ont à peine remarqué, j’en ai salué certains, il y avait beaucoup plus de femmes, n’insistant pas trop, et je me suis dirigé vers les casiers de bois, certains, ouverts, semblaient vomir des amoncellements de livres et de copies entassés, qui s’alignaient le long du mur de droite, juste à côté d’une machine à café devant laquelle un autre groupe d’adultes s’agglutinait.J’ai glissé un questionnaire dans ceux qui étaient marqués des noms des profs de Laura.Et puis on m’a frappé sur l’épaule.Un type, frisé, souriant.Que je connaissais, il était venu l’année dernière aux jardins, vers l’été, avec Laura.Son prof d’anglais, je crois, un type gentil, un peu hautain.Je lui ai donné un questionnaire, il l’a lu en vitesse, a opiné gravement de la tête et m’a attiré vers le fond de la salle.Il a pris une feuille de papier sur une table, cendrier plein de mégots, tracts du SNES en vrac, m’a fait asseoir et s’est mis à écrire.faites gaffe, vous n’avez pas le droit d’être ici.je croyais que les lycées prisons c’était fini, j’ai répondu, sur la même feuille.l’extérieur est encore trop problématique pour ouvrir complètement les portes.c’est une grève, pas une journée portes ouvertes.Il m’a fait lire ce qu’il venait d’écrire puis a rajouté :pourquoi vous faites ça ? c’est idiot, tout le monde va se méfier.à juste titre.est-que vous aimiez laura ? j’ai simplement répondu.Il m’a observé avec un drôle d’air, a haussé les épaules.tout le monde est encore traumatisé par sa mort, vous allez vers des emmerdes maximum.presque personne ne vous connaît, ici.Je l’ai arrêté de la main, écrivant à toute vitesse à la suite de ses derniers mots : vous, oui.Il m’a regardé en soupirant.je rÉpondrai.ne restez pas là.Il m’a accompagné, me poussant, la main sur le coude, dans le couloir.En passant, il a refermé son casier à clef, j’ai lu son nom sur la petite porte de bois.VUELLE.C’est ça, je m’en souvenais maintenant, il m’avait même, au mois de juin dernier, demandé la permission de faire des photos dans les jardins, un ami qui cherchait, pour une couverture de bouquin, ce genre de paysage.Laura avait même dû me dire qu’il était aussi journaliste, si ma mémoire était bonne.Il m’a guidé hors de la salle.J’ai senti que deux ou trois profs nous regardaient avec un peu plus de curiosité, mais je n’ai pas affronté leur suspicion.Dehors, je me suis dégagé, l’ai salué, tout sourire.Zaïr ne m’avait pas attendu.J’ai montré au prof, le bout du couloir, par où j’étais arrivé, lui faisant comprendre que j’allais repasser par là.Il m’a laissé partir à contrecœur et j’ai senti son regard sur mon dos tandis que je m’enfonçais à nouveau dans la petite foule d’élèves qui encombrait de plus en plus le hall où se déroulait l’assemblée générale.Je me suis taillé un passage le long de grands panneaux de bois où la vie de Jules Romains était expliquée aux générations futures mais où, maintenant, étaient punaisées de grandes feuilles de papier, chacune intitulée « Commission ».Il y avait la commission sécurité, la commission élection au bureau départemental, la commission programme, la commission communication, etc.Comme aux beaux jours.L’orateur véhément avait changé, c’était un jeune élève à lunettes, genre responsable, et ce qu’il proférait n’avait pas l’air de plaire à la masse, des mouvements divers, genre houle, tentaient manifestement de le faire descendre de son perchoir.Au fond du hall, il y avait quelques élèves hilares, se donnant tout à fait un air cynique et supérieur, qui brandissaient un calicot de fortune sur lequel était inscrit, au gros feutre : TOUT CECI EST DE L’ORDRE DE LA CONNOTATION LAUDATIVE.Pas très loin d’eux, un agglomérat forcené de corps gesticulants s’entassait devant une porte ouverte.Venant de là, je sentais encore plus de cris, plus de hurlements.Mon crâne résonnait en creux.Je me suis approché, mais ce n’était qu’une vente de petits pains.Des gosses se grimpaient dessus, l’argent à la main, tentant d’obtenir la manne au chocolat distribuée par un chevelu hilare et gueulant [ Pobierz całość w formacie PDF ]
Powered by wordpress | Theme: simpletex | © Nie istnieje coś takiego jak doskonałość. Świat nie jest doskonały. I właśnie dlatego jest piękny.