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.Trois opéras italiens en dix-huit mois ! vous ne direz pas que l’amour le rend paresseux.Nous avons été partout accueillis à merveille, mais j’eusse préféré le silence et la solitude.N’est-ce pas la seule manière d’être qui convienne à des femmes en opposition directe avec le monde ? Je croyais qu’il en serait ainsi.L’amour, ma chère, est un maître plus exigeant que le mariage ; mais il est si doux de lui obéir ! Après avoir fait de l’amour toute ma vie, je ne savais pas qu’il faudrait revoir le monde, même par échappées, et les soins dont on m’y a entourée étaient autant de blessures.Je n’y étais plus sur un pied d’égalité avec les femmes les plus élevées.Plus on me marquait d’égards, plus on étendait mon infériorité.Gennaro n’a pas compris ces finesses ; mais il était si heureux que j’aurais eu mauvaise grâce à ne pas immoler de petites vanités à une aussi grande chose que la vie d’un artiste.Nous ne vivons que par l’amour ; tandis que les hommes vivent par l’amour et par l’action, autrement ils ne seraient pas hommes.Cependant il existe pour nous autres femmes de grands désavantages dans la position où je me suis mise, et vous les aviez évités : vous étiez restée grande en face du monde, qui n’avait aucun droit sur vous ; vous aviez votre libre arbitre, et je n’ai plus le mien.Je ne parle de ceci que relativement aux choses du cœur, et non aux choses sociales desquelles j’ai fait un entier sacrifice.Vous pouviez être coquette et volontaire, avoir toutes les grâces de la femme qui aime et peut tout accorder ou tout refuser à son gré ; vous aviez conservé le privilége des caprices, même dans l’intérêt de votre amour et de l’homme qui vous plaisait.Enfin, aujourd’hui, vous avez encore votre propre aveu ; moi, je n’ai plus la liberté du cœur, que je trouve toujours délicieuse à exercer en amour, même quand la passion est éternelle.Je n’ai pas ce droit de quereller en riant, auquel nous tenons tant et avec tant de raison : n’est-ce pas la sonde avec laquelle nous interrogeons le cœur ? Je n’ai pas une menace à faire, je dois tirer tous mes attraits d’une obéissance et d’une douceur illimitées, je dois imposer par la grandeur de mon amour ; j’aimerais mieux mourir que de quitter Gennaro, car mon pardon est dans la sainteté de ma passion.Entre la dignité sociale et ma petite dignité, qui est un secret pour ma conscience, je n’ai pas hésité.Si j’ai quelques mélancolies semblables à ces nuages qui passent sur les cieux les plus purs et auxquelles nous autres femmes nous aimons à nous livrer, je les tais, elles ressembleraient à des regrets.Mon Dieu, j’ai si bien aperçu l’étendue de mes obligations, que je me suis armée d’une indulgence entière ; mais jusqu’à présent Gennaro n’a pas effarouché ma si susceptible jalousie.Enfin, je n’aperçois point par où ce cher beau génie pourrait faillir.Je ressemble un peu, chère ange, à ces dévots qui discutent avec leur Dieu, car n’est-ce pas à vous que je dois mon bonheur ? Aussi ne pouvez-vous douter que je pense souvent à vous.J’ai vu l’Italie, enfin ! comme vous l’avez vue, comme on doit la voir, éclairée dans notre âme par l’amour, comme elle l’est par son beau soleil et par ses chefs-d’œuvre.Je plains ceux qui sont incessamment remués par les adorations qu’elle réclame à chaque pas, de ne pas avoir une main à serrer, un cœur où jeter l’exubérance des émotions qui s’y calment en s’y agrandissant.Ces dix-huit mois sont pour moi toute ma vie, et mon souvenir y fera de riches moissons.N’avez-vous pas fait comme moi le projet de demeurer à Chiavari, d’acheter un palais à Venise, une maisonnette à Sorrente, à Florence une villa ? Toutes les femmes aimantes ne craignent-elles pas le monde ? Mais moi, jetée pour toujours en dehors de lui, ne devais-je pas souhaiter de m’ensevelir dans un beau paysage, dans un monceau de fleurs, en face d’une jolie mer ou d’une vallée qui vaille la mer, comme celle qu’on voit de Fiesole ? Mais, hélas ! nous sommes de pauvres artistes, et l’argent ramène à Paris les deux bohémiens.Gennaro ne veut pas que je m’aperçoive d’avoir quitté mon luxe, et vient faire répéter à Paris une œuvre nouvelle, un grand opéra.Vous comprenez aussi bien que moi, mon bel ange, que je ne saurais mettre le pied dans Paris.Au prix de mon amour, je ne voudrais pas rencontrer un de ces regards de femme ou d’homme qui me feraient concevoir l’assassinat.Oui, je hacherais en morceaux quiconque m’honorerait de sa pitié, me couvrirait de sa bonne grâce, comme cette adorable Châteauneuf, laquelle, sous Henri III, je crois, a poussé son cheval et foulé aux pieds le prévôt de Paris, pour un crime de ce genre.Je vous écris donc pour vous dire que je ne tarderai pas à venir vous retrouver aux Touches, y attendre, dans cette Chartreuse, notre Gennaro.Vous voyez comme je suis hardie avec ma bienfaitrice et ma sœur ? Mais c’est que la grandeur des obligations ne me mènera pas, comme certains cœurs, à l’ingratitude.Vous m’avez tant parlé des difficultés de la route que je vais essayer d’arriver au Croisic par mer.Cette idée m’est venue en apprenant ici qu’il y avait un petit navire danois déjà chargé de marbre qui va y prendre du sel en retournant dans la Baltique.J’évite par cette voie la fatigue et les dépenses du voyage par la poste.Je sais que vous n’êtes pas seule, et j’en suis bien heureuse : j’avais des remords à travers mes félicités.Vous êtes la seule personne auprès de laquelle je pouvais être seule et sans Conti.Ne sera-ce pas pour vous aussi un plaisir que d’avoir auprès de vous une femme qui comprendra votre bonheur sans en être jalouse ? Allons, à bientôt [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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