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.C’est clair.Après tout, nos âmes sont peut-être aussi mauvaises que tes sermons.À Beaucaire, on a percé des tonneaux de vin de Genestet pour célébrer la victoire.Au milieu des chansons et des festivités, Raimond le Jeune garde la tête froide.Auprès de Dragonet de Mondragon, il s’enquiert de l’état des verrous de notre défense.— Le fleuve ?— Il est à nous jusqu’à Arles.Aucun gué qui ne soit tenu par nos barques armées.Les vivres et les renforts arrivent chaque jour.— Le château ?— Il leur faudrait des ailes pour s’en échapper.Regardez !Dragonet de Mondragon pointe son doigt vers le donjon.Dans l’azur du ciel de juin flotte un drapeau noir.L’étendard de détresse a pris la place de la bannière au lion, brisée par le jet d’une catapulte.Sur le chemin de ronde, quelques hommes, hirsutes et décharnés, agitent à bout de bras des cruches et des flacons vides.Par ces signaux, ils disent à Montfort qu’ils sont sur le point de mourir de soif.Tournoyant lentement au-dessus du donjon, quelques charognards ont commencé leur ronde macabre.Les Français vont tenter de répondre à l’appel de leurs compagnons agonisants.Les barons croisés mènent leur troupe en un lieu nommé la colline des pendus.Ils pourront ainsi bénéficier de la pente pour donner de la puissance à la charge de leur cavalerie.Montfort lance à ses chevaliers :— Au château, mon lion crie famine, mais ce soir il sera saoul de sang et repu de cervelles !Les forces provençales observent la manœuvre et se préparent à résister au choc.Tumulte, braillement, claquement de bannières, appel des trompes cuivrées déchirent l’air limpide, font frissonner les arbres et résonner la terre.Le comte de Montfort, ce sinistre bandit, emporté au galop de son grand cheval noir, rugit comme un lion.Il se jette au plus chaud de l’énorme mêlée.Le sang jaillit autour de lui.Les corps se fendent.Mais nos défenseurs sont en si grande foule et résistent si bien à l’attaque ennemie que le déferlement se répand en cadavres.Tempête de fer et tonnerre d’enclume.La bataille est si rude, meurtrière, acharnée que les Croisés reculent et bientôt tournent bride.Les Provençaux, hurlants, leur galopent dessus, trouant les fuyards.L’herbe est partout sanglante et couverte de morts, de bras, de pieds, d’entrailles, de têtes défoncées.Les cavaliers toulousains pataugent dans le carnage et font la chasse aux vaincus.La bataille est finie.Dans le pré désert, chiens, vautours et corbeaux font festin de charognes.** *Depuis le Rhône jusqu’à la Garonne, dans la montagne Noire comme dans les vallées pyrénéennes, tout le pays connaît désormais les revers de Montfort et ses échecs répétés face à Raimond le Jeune.Chaque jour, chaque semaine qui passe voient monter l’espoir de notre libération.Les guetteurs de Beaucaire ont capturé un homme qui, agrippé au rocher surplombant le fleuve, tentait de fuir le château.Hagard, il leur a raconté l’enfer que vivent les assiégés.Ils ont mangé leurs chevaux et leurs mulets.Ils en sont à parler de se nourrir ensuite de la chair des plus faibles d’entre eux.Le 15 août, en plein midi, alors que les défenseurs de Beaucaire somnolent dans les coins d’ombre, l’armée croisée se déploie une nouvelle fois.L’alerte est donnée.L’attaque est dirigée contre la porte de la Croix.Les Provençaux y massent leurs hommes.Au même moment, une centaine de chevaliers français se ruent par surprise sur la porte de la Vigne, à l’autre bout du rempart de la ville.Nos forces sont prises à revers.La bataille s’engage sous un soleil brûlant.Elle s’achève au crépuscule, sur un nouvel échec de Montfort.En cette fin de journée de la fête de la Vierge, il réunit les chefs de son armée sous sa tente de soie.— Messeigneurs, Dieu m’avertit que je m’égare.Il m’avait donné la gloire et la puissance.Et me voici jeté à bas.Je n’ai plus la force ni l’audace de libérer les miens, cernés dans le donjon.Mais si je lève le siège, tout le monde dira : Montfort est un homme fini.Son frère Guy ne cherche même plus à le réconforter.— En vérité, mon frère, Dieu ne supporte plus la guerre que tu mènes.Il a pesé tes actes.Tu es trop soucieux des richesses et trop oublieux du mal que tu causes.Nos hommes sont à bout.Tu leur fais vivre l’enfer.L’usurpateur se résigne alors à écrite une lettre à Dragonet de Mondragon, le plus sage parmi les lieutenants de Raimond le Jeune :— Soyez mon messager auprès du jeune comte, lui demande Montfort.Je renonce à Beaucaire et à la Provence s’il libère mes gens enfermés au château.La proposition est acceptée.Les prisonniers épuisés sont rendus le lendemain et les Croisés lèvent le siège.C’est la première défaite de Simon de Montfort.Nous savons désormais qu’il n’est pas invincible.Le pape, lui, n’aura pas eu la consolation de l’apprendre.Épuisé par le concile et par la maladie, Innocent III s’est éteint.La vengeancede MontfortBarcelone, août 1216Depuis mon arrivée en Aragon et l’entrée de mon fils à Beaucaire, j’échange des correspondances avec mes plus fidèles amis toulousains.La ville est en liesse.Chaque jour les nouvelles parvenues de Beaucaire et lues sur les places publiques sont saluées par des clameurs.Une rumeur se propage, faisant naître l’espoir de mon retour imminent.L’heure de la libération a enfin sonné.Nul n’en doute.Le capitoul Aymeri de Castelnau a organisé une conjuration.Aux hommes rassemblés autour de lui il a fait prêter serment, jurant de se battre jusqu’à la mort pour libérer leur ville, chasser l’usurpateur et rétablir dans ses droits la famille raimondine.Après cinq semaines d’échecs répétés pour Simon de Montfort devant les murs de Beaucaire, ils jugent le moment propice à mon retour.Mon entrée dans la ville donnerait le signal de la révolte contre les Croisés, m’ont-ils écrit.Répondant à l’appel des miens, je me mets en toute pour franchir les Pyrénées mais il est déjà trop tard.Montfort, ayant capitulé devant Beaucaire, rassemble ses forces et se lance sur la route de Toulouse.Suivi de son armée, il ne lui faut pas trois jours pour parcourir une distance qui exige normalement cinq jours de voyage.L’humiliation subie est si cuisante qu’il ne veut pas perdre un instant pour la faire payer aux Toulousains.Apprenant cela, j’ordonne à mon escorte de rebrousser chemin vers Barcelone [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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