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.Un soir qu’il était ainsi, sur l’ordre qu’elle lui en avait donné, rentré avec elle, et qu’elle entremêlait ses baisers de paroles passionnées qui contrastaient avec sa sécheresse ordinaire, il crut tout d’un coup entendre du bruit ; il se leva, chercha partout, ne trouva personne, mais n’eut pas le courage de reprendre sa place auprès d’elle qui alors, au comble de la rage, brisa un vase et dit à Swann : « On ne peut jamais rien faire avec toi ! » Et il resta incertain si elle n’avait pas caché quelqu’un dont elle avait voulu faire souffrir la jalousie ou allumer les sens.Quelquefois il allait dans des maisons de rendez-vous, espérant apprendre quelque chose d’elle, sans oser la nommer cependant.« J’ai une petite qui va vous plaire », disait l’entremetteuse.» Et il restait une heure à causer tristement avec quelque pauvre fille étonnée qu’il ne fît rien de plus.Une toute jeune et ravissante lui dit un jour : « Ce que je voudrais, c’est trouver un ami, alors il pourrait être sûr, je n’irais plus jamais avec personne.» – « Vraiment, crois-tu que ce soit possible qu’une femme soit touchée qu’on l’aime, ne vous trompe jamais ? » lui demanda Swann anxieusement.– « Pour sûr ! ça dépend des caractères ! » Swann ne pouvait s’empêcher de dire à ces filles les mêmes choses qui auraient plu à la princesse des Laumes.À celle qui cherchait un ami, il dit en souriant : « C’est gentil, tu as mis des yeux bleus de la couleur de ta ceinture.» – « Vous aussi, vous avez des manchettes bleues.» – « Comme nous avons une belle conversation, pour un endroit de ce genre ! Je ne t’ennuie pas, tu as peut-être à faire ? » – « Non, j’ai tout mon temps.Si vous m’aviez ennuyée, je vous l’aurais dit.Au contraire j’aime bien vous entendre causer.» – « Je suis très flatté.N’est-ce pas que nous causons gentiment ? » dit-il à l’entremetteuse qui venait d’entrer.– « Mais oui, c’est justement ce que je me disais.Comme ils sont sages ! Voilà ! on vient maintenant pour causer chez moi.Le Prince le disait, l’autre jour, c’est bien mieux ici que chez sa femme.Il paraît que maintenant dans le monde elles ont toutes un genre, c’est un vrai scandale ! Je vous quitte, je suis discrète.» Et elle laissa Swann avec la fille qui avait les yeux bleus.Mais bientôt il se leva et lui dit adieu, elle lui était indifférente, elle ne connaissait pas Odette.Le peintre ayant été malade, le docteur Cottard lui conseilla un voyage en mer ; plusieurs fidèles parlèrent de partir avec lui ; les Verdurin ne purent se résoudre à rester seuls, louèrent un yacht, puis s’en rendirent acquéreurs et ainsi Odette fit de fréquentes croisières.Chaque fois qu’elle était partie depuis un peu de temps, Swann sentait qu’il commençait à se détacher d’elle, mais comme si cette distance morale était proportionnée à la distance matérielle, dès qu’il savait Odette de retour, il ne pouvait pas rester sans la voir.Une fois, partis pour un mois seulement, croyaient-ils, soit qu’ils eussent été tentés en route, soit que M.Verdurin eût sournoisement arrangé les choses d’avance pour faire plaisir à sa femme et n’eût averti les fidèles qu’au fur et à mesure, d’Alger, ils allèrent à Tunis, puis en Italie, puis en Grèce, à Constantinople, en Asie Mineure.Le voyage durait depuis près d’un an.Swann se sentait absolument tranquille, presque heureux.Bien que M.Verdurin eût cherché à persuader au pianiste et au docteur Cottard que la tante de l’un et les malades de l’autre n’avaient aucun besoin d’eux, et, qu’en tous cas il était imprudent de laisser MmeCottard rentrer à Paris que MmeVerdurin assurait être en révolution, il fut obligé de leur rendre leur liberté à Constantinople.Et le peintre partit avec eux.Un jour, peu après le retour de ces trois voyageurs, Swann voyant passer un omnibus pour le Luxembourg où il avait à faire, avait sauté dedans, et s’y était trouvé assis en face de MmeCottard qui faisait sa tournée de visites « de jours » en grande tenue, plumet au chapeau, robe de soie, manchon, en-tout-cas, porte-cartes, et gants blancs nettoyés.Revêtue de ces insignes, quand il faisait sec elle allait à pied d’une maison à l’autre, dans un même quartier, mais pour passer ensuite dans un quartier différent usait de l’omnibus avec correspondance.Pendant les premiers instants, avant que la gentillesse native de la femme eût pu percer l’empesé de la petite bourgeoise, et ne sachant trop d’ailleurs si elle devait parler des Verdurin à Swann, elle tint tout naturellement, de sa voix lente, gauche et douce que par moments l’omnibus couvrait complètement de son tonnerre, des propos choisis parmi ceux qu’elle entendait et répétait dans les vingt-cinq maisons dont elle montait les étages dans une journée :– Je ne vous demande pas, monsieur, si un homme dans le mouvement comme vous, a vu, aux Mirlitons, le portrait de Machard qui fait courir tout Paris.Eh bien ! qu’en dites-vous ? Êtes-vous dans le camp de ceux qui approuvent ou dans le camp de ceux qui blâment ? Dans tous les salons on ne parle que du portrait de Machard ; on n’est pas chic, on n’est pas pur, on n’est pas dans le train, si on ne donne pas son opinion sur le portrait de Machard [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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