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.Raum eut un étrange petit sourire.— Elle s’est arrêtée, malgré la « bête » qui la traquait, attendant que les arbres chantent pour elle et chassent le danger.Aucun de nos enfants n’a jamais fait ça ! Après une vie entière de formation, seuls quelques-uns d’entre nous ont le privilège d’entendre une petite partie de la Chanson de l’Arbre.(L’Eubage marqua une pause, comme s’il ne parvenait pas à y croire.) Ils ont chanté pour elle ! C’est impensable, et pourtant… (Emerveillé, il dévisagea Faraday.) Que feront-ils pour elle, quand je l’aurai présentée à la Mère ?De nouveau piégé dans le couloir, Timozel ne pouvait détourner le regard de l’ombre monstrueuse qui s’étendait sur le sol de glace, de l’autre côté de la porte.— Qui est-ce ? demanda une voix terrifiante.(L’ombre ondula, car la créature avançait.) Qui ose perturber mon repos ?Le sang glacé dans ses veines par la haine qui sortait de la gueule du monstre en même temps que ses paroles, le jeune soldat, hypnotisé par l’ombre qui ondulait toujours, s’entendit murmurer une réponse qu’il trouva bien trop geignarde pour un homme comme lui :— Je me nomme Timozel, et je ne veux pas être ici…Hélas, cette fois, la bienveillante inconscience ne l’arracha pas au cauchemar.Raum alla chercher un baluchon sous les arbres.Revenu dans le cercle, il l’ouvrit et partagea sa nourriture avec les trois voyageurs.Faraday reconnut une partie des baies et des fruits.En revanche, elle n’avait jamais rien goûté de semblable au morceau de galette qui les accompagnait.— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.— Du pain de malfari, un tubercule très répandu dans la forêt d’Avarinheim.Chez nous, le blé ne pousse pas comme dans vos plaines.Une fois le malfari broyé et séché, nous le faisons cuire dans nos fours, avec des herbes aromatiques et du fromage.En hiver, c’est notre nourriture de base.— La forêt d’Avarinheim ? répéta Faraday, perplexe.Ses yeux noirs joyeux et confiants, Shra trottina jusqu’à elle et lui sauta sur les genoux.En lui caressant la tête, la jeune femme répéta sa question :— Où est-elle, votre forêt ?Jack fit un sourire penaud à l’Eubage.— Raum, nous n’avons pas eu le temps de la former… En fait, nous venons à peine de la rencontrer.Tu veux bien lui parler un peu de ton peuple ? En insistant sur la raison de ta présence ici, en compagnie de la fillette.— Shra et moi sommes des Avars, dit l’Eubage avec une moue amère.Une des deux races que tu appelles les Proscrits… Nous vivons dans la forêt d’Avarinheim, qui s’étend sur presque toute la longueur des Eperons de Glace et de la chaîne des Fougères.Lors de la Guerre de la Hache, tes ancêtres nous y ont exilés.(Faraday rosit d’embarras, mais elle continua à soutenir le regard de Raum.) Tu connais notre « royaume », mais sous un autre nom : OmbreGarde, un lieu que l’ordre du Sénéchal t’a appris à redouter, comme les « monstres » qui le peuplent.D’un geste circulaire, Raum désigna la vallée du lac des Ronces, où le crépuscule s’installait peu à peu.— Ici, il reste quelques vestiges de notre forêt, et j’ai entendu dire qu’un bois entourait toujours le lac du Chaudron.(Jack confirma d’un hochement de tête.) Voilà tout ce qui subsiste de la grande forêt d’Avarinheim, qui couvrait jadis ces terres des Eperons de Glace à la baie du Grand Mur, et de l’océan Faiseur de Veuves jusqu’au fleuve Nordra.Ton peuple et toi avez ravagé la plus grande partie de notre territoire, Faraday de Skarabost.— Ces dernières semaines, dit sèchement la jeune femme, j’ai appris que le passé pouvait s’interpréter de bien des façons.Raum ignora l’interruption.— Les Avars sont un peuple pacifique.Nous vivons en harmonie avec la nature, et cela nous distingue des humains, qui blessent la terre avec leurs outils pour s’emparer de tout ce qu’elle peut donner, sans rien lui offrir en échange.La Voie de la Charrue est une abomination, Faraday !— Du calme, Raum, intervint Yr.N’accuse pas cette pauvre enfant des exactions commises au fil des siècles par son peuple.L’Eubage acquiesça à contrecœur, le regard toujours brillant de colère.— Sentinelle Yr, nous avons du mal à voir notre terre adorée souffrir sous le joug de la Charrue.(Il se retourna vers Faraday et adopta un ton moins agressif.) Comme je l’ai déjà dit, nous vivons en harmonie avec la terre, et selon le rythme des saisons.Nous ne voulons rien changer ni forcer, mais aider la nature et le climat autant que nous le pouvons.Parmi tout ce qui vit, nous vénérons les arbres plus que tout le reste.Pour nous, la forêt est un être pensant et nous la chérissons autant que nos familles.Nos rituels les plus sacrés visent à faciliter le passage d’une saison à une autre – un moyen de contribuer à la régénération de la terre et des bois.Certains d’entre nous ont le pouvoir de devenir des Eubages.La mission de ces « prêtres », comme tu dirais sans doute, est de s’occuper de la forêt avec plus de soin encore que les autres Avars.Et nous sommes aussi chargés de conduire les rituels qui accompagnent la ronde éternelle des saisons.— Et parce qu’ils ont un don, vous soumettez des enfants à l’épreuve que j’ai dû subir ?Le ton de Faraday ne laissa aucun doute sur ce qu’elle pensait de cette pratique barbare.— Humaine, la vie est souvent cruelle.Nous pleurons les enfants qui ne survivent pas, parce que chacun d’eux est cher à nos cœurs.Mais sans Eubages pour présider aux rituels, le cycle des saisons se déréglerait et le monde périrait.— Pourquoi les choisir si petits ? insista Faraday.Shra n’a pas plus de trois ans.— Ceux qui ont réussi l’épreuve doivent être présentés à la Mère alors qu’ils sont encore très jeunes.Sinon, leur don ne se développe pas.— Raum, pourquoi appelles-tu ce lac ainsi ? La Mère, je veux dire…— Parce qu’on raconte que la vie naquit un jour dans ces eaux, répondit l’Avar.Pour nous, c’est un lieu magique où l’existence d’un Eubage commence vraiment, après sa première naissance.Un long moment, personne n’osa plus rien dire.Le front plissé de perplexité, Faraday brisa finalement ce recueillement :— Raum, comment es-tu venu ? As-tu traversé la mer d’Herbe de Skarabost ?— Oui… Presque tous les ans, nous tentons d’amener des enfants ici, pour les immerger dans les eaux de la Mère.Mais nous devons voyager de nuit, et nous montrer aussi discrets que possible, pour ne pas attirer l’attention des humains.Skarabost n’est pas une région très peuplée, et ses habitants sortent rarement après le coucher du soleil.De plus, une humaine qui vit avec les Icarii a pris l’habitude de nous aider – pas tous les ans, mais assez souvent.Etant de ta race, elle peut voyager sans se cacher, en compagnie d’un enfant ou deux, le visage dissimulé par la capuche de leur manteau.(Raum haussa nerveusement les épaules.) Mais ça reste difficile et nous n’amenons pas assez de petits ici [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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