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.- Allons, pressons, m'intima le flic.Dans les romans noirs, il arrive que les personnages soient paralysés par la terreur.C'était exactement mon cas.- Bah, moi je m'en fiche, r‚la le flic.(Je le regardai sans comprendre.) Mais si vous vous grouillez, nous avons peut-être une chance de rattraper le type.Ma gorge se serra, mes yeux s'embuèrent.- Merci, dis-je, tellement soulagée que j'en aurais pleuré et je montai dans la voiture.Le flic prit mon émoi pour de la gratitude.- Nous sommes là pour ça, ma p'tite dame.Puis ils démarrèrent en trombe.Si je n'avais pas été au bord de la crise de nerfs, je crois bien que cette course poursuite en bagnole de flics au son strident de la sirène e˚t été pour moi un moment de joie ineffable.Sauf que j'étais dans mes petits souliers.Il me fallait jouer les bourgeoises outragées et reconnaissantes, alors que je venais d'échapper in extremis au concierge de Jane Berger, sans parler de mon évasion du Havre des Mouettes.Oh, et puis fl˚te ! Au point o˘ j'en étais, avec Richie qui m'avait plaquée et que j'avais retrouvé raide mort, un traumatisme de plus ou de moins !Cela dit, il fallait se rendre à l'évidence.Le pot aux roses risquait d'être découvert à tout moment : un bulletin d'information et une description détaillée de la psychopathe en cavale avaient certainement étédiffusés.Les deux flics n'avaient pas fait le rappro-chement, pas encore, tout au moins.¿ tout moment, la radio allait crachoter une description précise de mon pantalon et de mon pull gr‚ce au témoignage de Jane Berger.Le flic taillé en armoire à glace se tourna vers moi.Il avait une m‚choire protubérante et un cr‚ne en gousse d'ail qui allait en rétrécissant dangereusement vers le haut avant de disparaître sous sa casquette.- ¿ quoi il ressemble ?- C'est un Blanc, dis-je.Habillé tout en noir.(Je sais que ça fait un peu mélo, mais tout en disant cela, j'eus une vision de Laurence Olivier dans Hamlet.) La trentaine environ, ajoutai-je.Avec une frange.Nous dépass‚mes un Blanc habillé tout en noir, mais il ressemblait davantage à une montgolfière qu'àLaurence Olivier.Si bien que mon ńon ª leur parut convaincant.- Je ne le vois nulle part, dis-je, espérant ainsi mettre un terme à mon supplice.- Ouvrez l'úil, dit le gros.Ne vous découragez pas.Sur quoi son collègue ajouta :- Nous allons faire le tour du parc.Si la ville était plate et grise, Central Park, en revanche, était bien en trois dimensions.Et ces couleurs ! Un frais gazon d'un vert ondoyant de terrain de golf, des arbres rouge et or qui se découpaient comme des flammes sur un ciel céruléen.C'était peut-être la dernière fois que je contemplais un paysage d'une telle beauté.¿ tout moment la radio allait me dénoncer : recherchée pour meurtre.Peut-être armée et dangereuse.Et ils me conduiraient tout droit au gnouf dans mon panier à salade.- Vous êtes vraiment très serviables, balbutiai-je.Vraiment, je ne sais comment vous remercier.Mais j'ai rendez-vous chez le médecin et je vais être en retard.(Je baissai le ton pour ajouter d'une voix pathétique :) un spécialiste.- Pas de problème, ma p'tite dame, dit l'armoire à glace.Ils me déposèrent même sur la Cinquième Avenue, là o˘ je leur dis que se trouvait mon médecin.Lorsqu'ils me demandèrent mon nom, je faillis leur répondre Moll Flanders, mais je me ravisai.Avec ma veine, je risquais de tomber sur un flic qui était en train de rédiger sa thèse de doctorat sur Daniel Defoe.Si bien que je leur donnai le nom de jeune fille de ma mère, et l'adresse de l'immeuble de Brooklyn o˘j'avais grandi.Après quoi, je jurai d'appeler le commissariat dans l'heure suivante pour déposer une plainte en bonne et due forme.C'est alors que la magie de Brooklyn opéra.Lorsque je descendis de voiture, King Kong en fit autant, puis il fouilla dans sa poche de pantalon, et sortit un ticket de métro qu'il me tendit.- Tenez, Pearl, dit-il.Pour rentrer à Océan Avenue [ Pobierz całość w formacie PDF ]