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.Alvin lui trouva alors un air familier.Il portait un costume de plumes et de peaux animales disposé de façon à donner l’impression, mais l’impression seulement, d’une nudité décorée.Pas comme un Rouge.Mais peut-être comme un Africain.Peut-être comme il se serait vêtu sur sa terre natale avant qu’on l’emmène en esclavage.Mais Alvin l’avait déjà vu.Sur le pont d’un bateau.« Apprendre anglais », fit l’homme.C’était vrai, les esclaves à bord parlaient un peu anglais.Certains parlaient espagnol et la plupart la langue des Mexicas, mais ces deux idiomes restaient un mystère pour le forgeron.« T’étais sur le Yazoo Queen », dit Alvin.L’homme parut déconcerté.« Bateau, insista Alvin.Toi.»L’homme hocha joyeusement la tête.« Toi sur bateau ! Toi mis moi… nous… partis bateau !— Oui, fit Alvin.On vous a libérés.»L’homme se jeta à genoux près de la natte d’Alvin et se pencha pour le serrer dans ses bras.Alvin répondit à son étreinte.« Depuis quand j’suis icitte ? » demanda-t-il.L’homme fut à nouveau dérouté.Le forgeron l’avait visiblement poussé hors des limites de son anglais.Alvin voulut se redresser sur son séant, mais l’homme le repoussa en arrière.« Dormir dormir, fit le Noir.— Non, j’ai ben assez dormi, dit Alvin.— Dormir dormir ! » insista l’autre.Comment Alvin pouvait-il lui expliquer qu’il s’était examiné la jambe pendant qu’ils discutaient et s’étreignaient, avait trouvé toutes les blessures – les points douloureux de l’articulation, ceux où les dents de l’alligator avaient déchiré la peau – et les avait guéries ?Tout ce qu’il pouvait faire, c’était lever la jambe supposée déboîtée et prouver qu’il la mouvait sans peine.L’homme le regarda avec surprise et voulut lui rabaisser la jambe, mais Alvin lui montra plutôt qu’il n’y avait plus de cicatrices là où l’avait mordu l’alligator.L’homme éclata soudain de rire et ôta la couverture qui cachait toujours l’autre jambe.Il croyait sûrement qu’Alvin blaguait en lui présentant celle qui n’était pas blessée.Mais quand l’autre aussi se révéla indemne, il se releva et recula lentement.« Ousque sont mes attifaux ? » demanda Alvin.Pour toute réponse, l’homme fonça vers la porte, la poussa et sortit à la lumière du jour.Alvin se mit debout et jeta un coup d’œil circulaire dans la pénombre de la cabane, mais ce n’étaient pas ses vêtements qu’il cherchait.Le sac avait disparu, et le soc du même coup.Avait-il glissé de la souche dans le Mizzippy ? Ou l’avait-il gardé avec lui jusqu’à la rive où il se trouvait désormais et ces hommes s’en étaient-ils emparés ?Il projeta sa bestiole dans les environs, en quête de la lueur chaude de l’outil.Mais ce n’était pas comme une flamme de vie, étincelle éclatante dans un océan scintillant.Le soc était en or vivant, oui, mais en or tout de même, et rien en lui ne contenait le feu de la vie.Quand Alvin savait où regarder, il le dénichait toujours facilement.Mais il ne l’avait jamais cherché sans savoir où il se trouvait déjà.En fin de compte, il prit la couverture et s’en ceignit la taille à la façon d’une jupe.On ne croyait peut-être pas qu’il puisse guérir aussi vite, mais il n’allait pas laisser leur prudence ni sa pudeur l’empêcher de remettre la main sur ce qu’il avait perdu.Il sortit dans la lumière éclatante du jour – du matin, donc il n’avait peut-être pas dormi si longtemps.S’il s’agissait bien du matin de la même journée.Pourquoi aurait-il dormi plus longtemps ? Le chant vert l’avait parfaitement revigoré juste avant son combat contre l’alligator.Et le combat n’avait pas duré éternellement.Le temps de quelques coups de queue.Pourquoi en était-il sorti si épuisé, au fait ? La douleur, la perte de sang et l’énergie déployée pour aider les inconnus à lui remettre la hanche en place n’auraient pas dû lui coûter autant de forces.Non, c’était forcément le même matin.Il n’avait pas perdu de journée.On le repéra très vite, et des Noirs se précipitèrent vers lui.Sûrement les hommes qu’Arthur Stuart et lui avaient libérés de l’esclavage à bord du Yazoo Queen – ceux dont Steve Austin comptait se servir comme interprètes et guides au Mexique où ils avaient été autrefois esclaves.Ils n’avaient donc aucune raison de lui vouloir du mal.« Mon sac, dit-il.Un sac de ménage, je l’portais en bandoulière, un sac lourd.» Il mima le geste de se le mettre à l’épaule et de l’enlever.Ils comprirent aussitôt.« Esprit d’or ! s’écria celui qui lui avait parlé un instant plus tôt dans la cabane.L’or elle vole ! » Il courut sur quelques foulées puis fit signe à Alvin de le suivre.Il découvrit le soc, hors du sac, qui flottait en l’air à hauteur de la ceinture.Trois Noirs assis en un triangle parfait levaient les yeux et tendaient la main vers lui.Le guide d’Alvin les héla lorsqu’ils s’en approchèrent, et les trois hommes se mirent lentement debout, mais sans cesser de tendre la main vers le soc.L’outil restait au centre, à égale distance des trois, à hauteur de tête.Ils se retournèrent prudemment et se dirigèrent vers Alvin.« Pas prendre, fit le guide.Elle pas vouloir.»Alvin comprit que le soc refusait tout bonnement de se laisser prendre par quelqu’un d’autre que lui.Il se tenait à distance des mains tendues.Sauf de celle d’Alvin.Le forgeron s’approcha, tendit le bras, et le soc ne recula pas.Il lui bondit même pour ainsi dire dans les mains.Bien entendu, Alvin dut lâcher la couverture, mais vu que ces gens étaient aussi nus que possible, il leur demanda : « Vous avez mis mes habits quèque part, s’il vous plaît ? Et l’sac ousque j’avais mon soc ? »Avec force sourires et hochements de tête, on entreprit de le vêtir – on voulut même lui soulever les deux jambes à la fois afin de les enfiler dans son pantalon.« Non ! fit-il d’un ton sans réplique.Je m’habille tout seul depuis tout p’tit.» Il déposa doucement le soc dans l’herbe humide.La rosée avait dû être intense.Ou il avait plu durant la nuit.Quoi qu’il en soit, à peine l’avait-il posé par terre que les autres se ruèrent, mains tendues, vers le soc qui s’éleva aussitôt dans les airs.« L’or elle vole ! l’avertit le guide.— C’est un soc, fit Alvin.Sa place, c’est par terre.» À la vérité, son rôle était de mordre même dans la terre, de la retourner, d’en briser les mottes, d’exposer ses entrailles à la chaleur du soleil.Et Alvin comprit à cet instant la nature du soc.Il n’avait toujours vu en lui que le matériau dont il était fait, l’or vivant, mais c’était au départ un soc, avant sa transmutation en or, et il aurait depuis longtemps dû servir aux travaux des champs.Ce n’était pas parce qu’un objet était fait dans un métal qui, une fois fondu, valait beaucoup d’argent qu’il en perdait sa vocation première.Habillé, le sac dans une main, Alvin en passa la gueule autour du soc flottant en l’air puis se balança le sac sur l’épaule.L’outil reprit docilement sa place habituelle.Les hommes lâchèrent un soupir à ce spectacle.Un autre Noir s’approcha alors en tenant délicatement quelque chose sur un lit de feuilles.Ça scintillait comme du cristal sous le soleil éclatant, et Alvin le reconnut tout de suite [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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