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.Elle se rappelait ce qu’avait dit sa mère un jour, longtemps après le divorce : Il ne se rend pas compte de la tyrannie qu’il exerce, l’effet que ça fait de ne jamais savoir d’une seconde sur l’autre s’il ne va pas exploser sans qu’on sache pourquoi.Elle se souvenait aussi de la suite : Je crois que ça ne lui arrive qu’à la maison.Les autres ne voient sûrement en lui qu’un type carré, bienveillant, un policier compétent au caractère un peu spécial.S’il engueule quelqu’un, dans le cadre du travail, c’est qu’il a de bonnes raisons.Mais à la maison, il lâche une bête féroce.Un terroriste qui méfait peur, et que je hais.Linda repensa à tout cela en regardant son père, qui bourrait maintenant les serviettes de coups de pied.— Pourquoi n’écoutes-tu pas ce que je te dis ? Comment peux-tu prétendre faire ce métier si tu cries au crime dès qu’une de tes copines ne répond pas au téléphone ?— Ce n’est pas ça.Il balança les quelques serviettes qui se trouvaient encore sur le plan de travail.Un enfant, pensa Linda.Qui éjecte son assiette quand le contenu ne lui plaît pas.— Ne m’interromps pas.Vous n’avez rien appris à l’école de police ?— J’ai appris à prendre les choses au sérieux.Je ne peux pas parler au nom des autres.— Tu vas te ridiculiser.— Peu importe.La crise s’arrêta aussi vite qu’elle avait commencé.Seule trace visible, quelques gouttes de sueur sur le visage de son père.Un bref accès de colère, pensa Linda.Remarquablement bref, et moins violent aussi que d’habitude.Ou bien il n’ose pas s’en prendre à moi, ou bien il se fait vieux.Et maintenant il va sûrement vouloir s’excuser.— Je te demande pardon.Linda ne répondit pas.Elle s’agenouilla pour ramasser les serviettes, les jeta à la poubelle et s’aperçut alors seulement que son cœur cognait à se rompre.J’aurai toujours peur de ses crises de rage, pensa-t-elle.Entre-temps, son père s’était rassis.Il paraissait malheureux.— Je ne sais pas ce qui me prend, des fois.Linda attendit d’avoir capté son regard pour lui dire ce qu’elle avait sur le cœur.— Je ne connais personne qui aurait autant que toi besoin de baiser avec quelqu’un.Il sursauta comme si elle l’avait giflé.Puis il rougit.Linda lui tapota la joue avec toute la gentillesse dont elle était capable.— Tu sais que j’ai raison.Pour ne pas t’embarrasser davantage, je te laisse prendre la voiture.Je vais au commissariat à pied.— Moi aussi, je voulais y aller à pied ce matin.— Tu pourras le faire demain.Je n’aime pas quand tu cries.Je veux être tranquille.Son père partit, tête basse, après avoir enfilé sa veste.Linda changea de chemisier ; elle était en nage.Elle n’était plus très sûre de vouloir faire cette déclaration.Elle quitta l’appartement sans avoir réussi à se décider.Le soleil brillait, le vent soufflait fort.Linda était dans la rue, indécise.Elle se targuait en général de n’avoir aucun problème pour passer à l’action.Mais en présence de son père, cette détermination l’abandonnait parfois.Il ne faudrait pas qu’il tarde trop à se libérer, cet appartement qu’on lui avait promis dans un des immeubles situés derrière l’église de Mariakyrkan.Elle ne pouvait pas rester éternellement chez son père.Sous le coup de l’énervement, son irrésolution la quitta et elle prit le chemin du commissariat.S’il était arrivé malheur à Anna, elle ne se pardonnerait jamais de ne pas être intervenue.Dans ce cas, sa carrière dans la police prendrait fin avant même d’avoir commencé.Elle longea le parc.Une fois, petite, son père l’y avait emmenée.C’était un dimanche au tout début de l’été, ils avaient regardé un magicien qui tirait des pièces d’or des oreilles des enfants.Mais la scène était assombrie par un incident qui s’était produit juste avant.Son souvenir était très net sur ce point.Elle avait été réveillée, ce matin-là, par les cris de ses parents qui se disputaient.Leurs voix montaient, refluaient ; il était question d’argent, qui manquait, qui aurait dû être là, qui avait été gaspillé.Soudain, Mona avait poussé un cri.Puis elle avait fondu en larmes.Linda avait alors quitté son lit sur la pointe des pieds.Elle avait entrebâillé la porte du séjour.Sa mère saignait du nez.Son père, debout à la fenêtre, avait le visage congestionné.Elle comprit qu’il venait de frapper sa mère.Juste à cause de cet argent qui n’était pas là.Linda s’arrêta en pleine rue et plissa les yeux vers le soleil.Le souvenir lui mettait une boule dans la gorge.Elle avait regardé ses parents par l’ouverture de la porte, en pensant qu’il n’y avait qu’elle qui pouvait régler leur problème.Elle ne voulait pas que Mona saigne du nez.Elle était retournée dans sa chambre et elle avait pris sa tirelire.Puis elle était entrée dans le séjour et elle l’avait posée sur la table basse.Il y avait eu un grand silence.Une traversée du désert en solitaire avec une petite tirelire dans la main.Le plissement des yeux ne suffit pas à refouler les larmes.Elle se frotta les paupières et fit demi-tour, comme pour tenter de semer ses souvenirs.Puis elle tourna au coin d’Industrigatan.Elle attendrait un jour encore avant de signaler la disparition d’Anna.Au lieu de cela, elle allait rendre une dernière visite à l’appartement.Si quelqu’un est venu depuis hier soir, je m’en apercevrai.Elle sonna à la porte.Pas de réponse.Ayant ouvert avec son passe, elle s’immobilisa une fois de plus dans l’entrée.Seul son regard était mobile ; elle déploya toutes ses antennes intérieures.Malgré cela, elle ne découvrit aucun indice.Le courrier ! Même si Anna n’écrit jamais de lettres, elle a dû recevoir des publicités, des factures, des documents de la commune, que sais-je.Mais il n’y avait rien sous la fente de la porte d’entrée.Elle fit le tour de l’appartement.Le lit était tel qu’elle l’avait laissé la veille au soir.Elle s’assit dans le séjour et dressa mentalement un tableau chronologique.Anna avait disparu depuis trois jours maintenant.Si disparition il y avait.Linda secoua la tête, exaspérée, et retourna dans la chambre.Elle ramassa le journal intime, fit une prière silencieuse pour la rémission de ses péchés et remonta trente jours dans le temps.Rien du tout.L’événement le plus remarquable était qu’Anna avait eu mal aux dents le 7 et le 8 août et qu’elle avait rendu visite au docteur Sivertsson.Linda fronça les sourcils.Le 8 août, le Zèbre, Anna et elle avaient fait une longue promenade du côté de Kåseberga.Elles étaient parties dans la voiture d’Anna, le fils du Zèbre était pour une fois docile ; quand il n’avait plus eu la force de marcher, elles l’avaient porté à tour de rôle.Mais une rage de dents ?Linda eut à nouveau le sentiment que le journal d’Anna recelait des anomalies, comme une sorte de code.Mais pourquoi ? Une remarque à propos d’une rage de dents peut-elle avoir un sens caché ?Elle continua à lire en essayant de percevoir des disparités dans le style.Anna changeait sans cesse de stylo, parfois au milieu d’une ligne.Linda devina qu’elle avait été interrompue, peut-être par le téléphone, et qu’elle n’avait pas ensuite retrouvé son stylo, égaré en cours de route.Linda reposa le cahier et alla boire un verre d’eau à la cuisine.Puis elle reprit sa lecture du journal d’Anna.En tournant une page, soudain, elle eut le souffle coupé.Elle crut à une erreur, ou à une coïncidence.Mais non.Le 13 août, Anna avait écrit : Reçu une lettre de Birgitta Medberg [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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