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.Loin d’elle, il dépérissait, alors que, près d’elle, la vie revenait.— Mais il parle ! s’étonna Sohrawardi, ravi d’avoir suscité une réaction chez ce chrétien que tous croyaient moribond.Saladin regardait intensément son neveu :— Tu l’as donc prise ?— Oui, mon oncle.— Pourquoi ?— Elle m’a plu.J’ignorais que c’était la sienne…— Mais qu’a-t-elle de si particulier ?En guise de réponse, Taqi tira l’épée de son fourreau.Contrairement aux épées dont se servaient les chevaliers, son bout n’était pas arrondi.Elle était donc destinée à servir aussi bien à un homme à pied – qui frappe d’estoc et de taille –, qu’à un cavalier – qui ne frappe que de taille.D’ailleurs, sa garde, longue de deux empans, et sertie d’une croix de bronze, permettait de la tenir à deux mains et donc de frapper plus fort ; auquel cas on ne pouvait utiliser de bouclier.— C’est une épée de fantassin, constata Saladin.Pas une épée de cavalier…— Elle tue tout aussi bien, dit Taqi.Il tendit l’épée à son oncle, en la lui présentant par le pommeau.Celui-ci était orné d’une médaille, à demi effacée par le temps.Mais Saladin crut distinguer la forme d’une lune entourée d’un serpent.— Elle a versé le sang de nos guerriers.Je refuse d’y toucher.— Donne, dit Sohrawardi en dardant sur Taqi ses yeux d’aveugle.Il avança ses mains fébriles, mais Taqi le repoussa.— A-t-elle un secret ? demanda Saladin à Morgennes.— Oui, souffla Morgennes.Comme toutes les épées saintes…On le regarda, interloqué.— Quel est-il ? siffla Sohrawardi.— Une fois qu’on a fini de les forger, haleta Morgennes, leurs lames sont refroidies dans un bassin d’eau bénite mélangée à du sang de démon.Cela leur ouvre l’appétit…Saladin se frotta la barbe, un sourire en coin.Il se demandait si Morgennes n’était pas en train de se moquer d’eux.Mais dans la cour du roi de Jérusalem, on commença à murmurer.L’attention que Saladin accordait à cet homme et à son arme en irritait plus d’un, et réveillait la jalousie des Francs, qui n’avaient pas oublié la façon dont Baudouin IV et Amaury avaient préféré Morgennes à nombre d’autres chevaliers.— Menterie ! objecta Ridefort.— Je n’ai jamais entendu parler d’une coutume pareille, ajouta Guy de Lusignan.— Cette lame est ancienne, intervint Sohrawardi.Quoi qu’on en dise, elle n’est pas d’origine franque.Ils n’ont pas pu la forger… Elle est beaucoup trop belle.— Peu m’importe ! coupa Saladin, avant de reprendre sur un ton impérieux : Taqi ! Débarrasse-toi de cette épée ! Jette-la dans un volcan, au fond des océans, n’importe où, mais ne la garde pas !— Oui, mon oncle, promit Taqi en baissant les yeux.Le sultan repartit vers le sommet de la colline.Le temps de la prière approchait.Comme Taqi passait devant Sohrawardi, celui-ci l’attrapa par la manche ; mais Taqi ne montra rien de sa surprise.— Confie-moi cette arme, caqueta le vieux mage.— Jamais ! rétorqua Taqi.— Obéis !— Ne m’obligez pas, le prévint Taqi.Vous savez la sorte de sang dont cette épée se repaît…Le vieux mage siffla, lâcha la manche de Taqi et s’en alla rejoindre Saladin.4.« Nos pas nous conduiront devant tes portes, ô Jérusalem ! »(Psaumes, CXXII, 2.)Le sommet de la colline de Hattin était creusé d’une cuvette, cratère d’un ancien volcan.L’armée de Saladin, tout habillée de blanc, s’y pressait, avide d’entendre son sultan.C’était le crépuscule.— Prions, dit Saladin.Juchés sur le dos des chameaux, dans des minarets de campagne, les muezzins lancèrent l’appel rituel :— Allah Akbar ! La illah ila Allah !Courbés vers La Mecque, front contre terre, ils récitèrent la première sourate du Coran : « Au nom de Dieu, le très Miséricordieux, le Miséricordieux ; louange à Dieu, Seigneur des univers, le très Miséricordieux, le Miséricordieux, le Roi du Jour et du Jugement.C’est Toi que nous adorons, c’est Toi dont nous implorons le secours.Guide-nous sur la voie de la rectitude, la voie de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits, non pas celle de ceux qui osent Te défier, ni celle de ceux qui se sont égarés.»La prière finie, hommes et femmes se tournèrent vers Saladin.Malgré ses habits noirs, il était plus lumineux que la Kaaba au centre de la foule des fidèles.Il était le Prince des Croyants ; la Couronne des Émirs ; Le Victorieux ; l’Honneur de l’Empire ; le Glorificateur de la Dynastie, son Bon Augure et son Appui ; Celui qui Possède les Prééminences ; etc.Les mots étaient trop petits pour lui ; pourtant, aucune gorge n’était suffisamment profonde pour les prononcer.On s’épuisait à chercher une phrase qui le ceigne ; mais aucun homme ne possédait ce qu’il fallait de souffle pour la dire.Il n’existait pas assez de termes pour l’honorer.Alors on alignait les comparatifs les plus éculés afin d’en faire un mythe, un géant, capable de rivaliser avec les héros de l’Inde, de la Perse ou de la Grèce antique : ses yeux étaient des pierres précieuses et ses dents des perles ; ses gencives et l’intérieur de sa bouche étaient de nacre et ses bras d’airain ; ses mains étaient d’or ; et ses doigts – ah, ses doigts ! –, on n’osait les comparer à rien ; ses jambes étaient deux petits cèdres ; ses pieds un socle de marbre ; sa colère enfin, sa force, étaient si terribles qu’à côté d’elles le khamsin paraissait caprice de fillette, une facétie.Son intelligence, sa ruse, feraient triompher Justice et Vérité.Une parole de lui, et les méchants trépassaient.Les Syriens, les Égyptiens, les Yéménites servaient le plus grand des conquérants.Jérusalem, déjà, leur appartenait.Jérusalem ! Dieu, dans sa grande bonté, l’offrait à Saladin.Il ne s’agissait plus de la prendre, mais de l’accepter.Saladin, par un excès d’humilité dont il était coutumier, se demandait : « En sommes-nous dignes ? »Assurément.Il leva les bras.Les manches de son caftan s’ouvrirent comme les ailes d’un oiseau.Le silence se fit, à peine troublé par une brise légère et les crépitements des bûchers.Quelque part, des corbeaux croassèrent.Ailleurs retentirent les ricanements d’une hyène.Qu’importe, les Sarrasins ne les entendaient pas.Tous écoutaient Saladin, immobiles, encapuchonnés dans leurs habits de laine, couleur de lune.Saladin ouvrit les mains, paumes tendues vers le ciel, et la lumière des flambeaux qui brûlaient derrière lui fut partagée en flots carmin.— Accorde-nous la grâce, ô Seigneur, de chasser Tes ennemis de Jérusalem ! Offre-nous cette joie ! Jérusalem, la trois fois sainte, est entre les mains des infidèles depuis plus de quatre-vingt-dix ans.Quatre-vingt-dix affreuses années durant lesquelles rien ne fut fait pour Toi en ce lieu saint.Quatre-vingt-dix terribles années durant lesquelles les infidèles se sont renforcés.Quatre-vingt-dix pénibles années durant lesquelles nous qui Te sommes soumis n’avons rien accompli, sinon nous déchirer.Je sais pourquoi.Oui, je sais pourquoi en quatre-vingt-dix ans aucun chef mahométan n’a réussi à reprendre Jérusalem.Gabriel me l’a révélé…Un mouvement se fit derrière lui.Une théorie d’hommes bruns au visage fermé approchait : des religieux, avec de petits chapeaux coniques et de beaux manteaux blancs à manches courtes, sur lesquelles étaient inscrits en lettres d’or des versets du Coran [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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