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.Mon premier réveil à Tigreville fut déplorable.L’effet de l’alcool se dissipait, je subissais une violente dépression qui se cherchait vainement un frein dans cette chambre nouvelle.Pourtant, un terrain neutre, agissant à la manière d’un sas, favorise au contraire un retour par paliers : l’esprit n’achoppe sur aucun point de repère vengeur ; le décor n’a pas l’air de bouder, il s’en moque ; nos actes, ces fins limiers, ont perdu notre trace.On renaît à loisir.Mais là, j’étais allé un peu loin dans la désintégration.Il n’y a que les millionnaires ou les clochards qui puissent rompre aussi brutalement avec leurs lendemains.Les miens hurlaient à la mort du côté de Paris, je les entendais d’ici : ma mère clamait qu’on la rassure ; O’Neill jurait qu’il ne ferait plus d’affaires avec moi ; Bonifaci m’attendait au Petit Riche devant des rillons boucanés ; sans compter tous les noctambules avec qui j’avais pris rendez-vous en divers endroits à la même heure.Par surcroît, j’étais sans ressources.En arrivant au Stella, j’avais essayé de prévenir mon tuteur pour qu’il arrange tout cela, sans trop bavarder.Mais la patronne de la brasserie, où il passe après le dîner étudier son P.M.U., m’a répondu : « M.Rogeais est venu faire son champ pour Enghien et il est reparti.D’où me téléphonez-vous ? – Deauville ! – Il n’y a pas de Deauville en ce moment, vous êtes sûr que ce n’est pas Chantilly que vous voulez dire ? » Un cauchemar ! Elle avait fini par prendre ma commission, en pesant mystérieusement sur certains termes, ce qui lui donnait une allure de tuyau d’entraînement, propre à introduire la confusion chez un tuteur naturellement turfiste : sur son carnet, cinquante mille à Gabriel par Stella et Tigreville pouvait devenir la charnière d’un tiercé fabuleux.Il n’en a rien été.Il a fait le nécessaire, me conseillant même de rester au vert durant quelques jours, en entrecoupant par de légers canters sur les courtes distances : bitters et guignolet ; il me promettait de conserver le secret d’une préparation qui devait m’amener à ma forme de pointe lorsque j’effectuerais ma rentrée.Cette solution raisonnable et lâche satisfaisait les dispositions où je me trouvais à ce moment-là.Dès qu’une éclaircie s’est présentée, je me suis mis à la recherche de Marie.Le cours Dillon est situé sur la côte des Mouettes, dans un quartier résidentiel couvert de vergers à demi sauvages qui s’étendent au flanc de la falaise : un éboulis à pic, et c’est la mer.Il s’est retrouvé peu à peu en dehors de la ville, à mesure que les autres villas à tourelles s’éteignaient autour de lui.L’avenue de l’Impératrice marque la frontière de ce no man’s land que la guerre de 70 À dévasté par l’intérieur avant que celle de 40 pilonne, à l’autre extrémité de l’agglomération, les pavillons cubistes de l’épargne modem style.Entre ces ruines éloquentes, le monument aux morts célèbre néanmoins ceux de 1914, où l’on payait en nature.Ces Tigervillois cupides ne méconnaissent pas le prix du sang.Donc, ce promeneur qui poussait un caillou du pied en rêvant de crinolines, qui s’attendait presque à voir surgir sa fillette aux trousses d’un cerceau, coiffée d’une capote de paille, culottée d’un long pantalon de dentelles, et sur les pas de qui quelques derniers rideaux se soulevaient, c’était un père de famille.On ne s’en serait pas douté et j’en éprouvais de la fierté.Il n’y avait pourtant pas de quoi : en treize ans, je ne me suis trouvé que deux fois sur une plage avec Marie.Elle était minuscule et se précipitait vers les vagues, les bras levés.Elle n’en a conservé que le souvenir du poil sur ma poitrine où je la pétrissais pour la sécher.Elle ne l’a jamais plus revu et m’a demandé un jour si j’en avais encore.C’était peut-être une façon de me faire savoir que je lui manque.Elle voit peu de poil à la maison [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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