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.Il a l’air à la fois surpris et terrorisé et ses sourcils forment deux accents circonflexes.Je lâche le tee-shirt et lui dis, Arrête de parler.Qu’est-ce qui te prend, mec ?Je me justifie en disant qu’il faut rester silencieux, qu’on ne sait pas ce qui rôde dans le coin.Il ne semble pas entièrement convaincu par mon explication.Il s’éloigne en remettant son col en place.Pendant quelque temps, on ne parle pas.Mes doigts caressent la clôture métallique.Une sensation agréable.Un peu comme quand on conduit sur une route récemment refaite et que le bitume est tout doux.Jared se remet à parler, le dos tourné.Il me dit, Je sais que ça doit pas être évident pour toi.À ta place, je réagirais pareil.Je ne veux pas avoir cette discussion avec lui.Le moment où le mari et l’ex-mari sont forcés de discuter.Quel cliché.Je ne réponds pas.Mais je te suis reconnaissant, il me fait.Vraiment.Je sais que ça aurait été plus facile de me laisser dans cet appartement.Personne ne te l’aurait reproché.T’aurais fait pareil pour moi.Franchement, j’en suis pas si sûr, il répond en secouant la tête.Je ris sous l’effet de la surprise.Je ne m’attendais pas à cette réponse, à cet élan d’honnêteté de sa part.Non mais sérieux, reprend Jared.Si les rôles étaient inversés… Putain, mais même s’ils étaient pas inversés, même si j’étais avec Kay et que je devais mettre ma vie en danger pour te sauver… tu devrais peut-être te démerder tout seul.N’importe quoi, je fais.Peut-être.Je sais pas.La clôture tourne à droite, presque à quatre-vingt-dix degrés.On est assez loin de la cabane, maintenant.Je suis soulagé de voir que Jared a arrêté ses délires avec les surnoms et qu’il ne braque plus son flingue sur n’importe quoi.En fait, la raison est très simple, il fait.Quelle raison ?Pourquoi j’aurais du mal à te sauver.Parce que t’es un connard ?Je vois comment elle te regarde.Je lui demande ce qu’il raconte, je fais comme s’il disait n’importe quoi et que je ne voyais pas du tout de quoi il voulait parler.Mais, en vérité, je pense qu’il a peut-être raison, que ce n’était pas juste une impression que j’avais, que Kay et moi, on partage toujours quelque chose, et peut-être que c’est seulement ce qui se passe quand deux inconnus se rencontrent dans des circonstances dramatiques, dans un hôpital psychiatrique en ce qui nous concerne, et qu’ensuite on partage tout, la désintox, les réunions, les moments où l’un fait la bouée de sauvetage quand l’autre sombre sous le poids de l’autodestruction, puis on finit tous les deux par chavirer, on se convainc que la méth, c’était une bonne idée et qu’on peut affronter n’importe quelle tempête, tant qu’on reste soudés.Pour, au final, se rendre compte que non.Peut-être qu’en vivant cela tous les deux on a partagé quelque chose de plus sincère que des vœux de mariage.Peut-être qu’il me reste encore une chance.Je m’apprête à changer de sujet pour ne pas dévoiler toutes mes cartes à Jared, quand j’entends un bruit.Je l’attrape par le bras.Il sursaute, prenant sûrement mon geste pour un début d’agression.Écoute, je chuchote.On dirait un moteur, un vieux moteur de pick-up, peut-être, quelque part dans les bois.Mon cœur bat à toute allure.Puis le bruit s’estompe et disparaît.T’as entendu ?Jared hoche la tête.Une voiture, il fait.C’est bien ce que je pensais.Mais y a des routes, par là-bas ?J’en sais rien.Ils savent pas conduire, hein ?Qui, les morts-vivants ? Non.Impossible.Mais y avait quelqu’un, j’en suis persuadé.Tu penses qu’on devrait aller vérifier ?Non.T’es sûr ?Je passe les différentes options en revue – un type du coin qui essaie de s’enfuir, un lycéen qui sort de sa défonce, quelqu’un qui sait qu’on est là – et j’en conclus que, si ma théorie est correcte, ce conducteur est forcément un junkie.Ce type ou ces types doivent aussi avoir conscience de la situation.Ils doivent avoir entendu parler de l’Albinos.La méth est devenue le seul moyen de survie et on en a en stock, au moins pour une semaine.Je serre Buster un peu plus fort.Qu’est-ce qu’on fait ? demande Jared.J’hésite à aller jeter un coup d’œil.Si ça se trouve, c’est juste un gamin qui veut sa dose.Puis je pense aux rôdeurs dans la forêt.Il faudrait prévenir les autres, leur dire qu’on a entendu une voiture et qu’on risque d’avoir des ennuis.Ou peut-être que je devrais seulement en parler à l’Albinos.Sténo et moi, on n’est pas les seuls clients du cuistot et on n’est donc pas les seuls à savoir où il habite.Il y en a d’autres.L’Albinos saurait quoi faire.En fin de compte, je me dis que ce n’est peut-être pas une si bonne idée que ça de le prévenir.Déjà qu’il ne voit pas notre présence d’un très bon œil, il risque de nous faire une syncope s’il apprend qu’il y en a d’autres qui arrivent.On n’en parle pas, je fais.T’es sûr ? Je vois pas vraiment l’intérêt de…C’est sûrement rien du tout.Pas la peine de rendre les autres plus paranos qu’ils ne le sont déjà.On a déjà assez de problèmes comme ça.En plus, on est en train de tout sécuriser, ça va aller.Perso, je trouve que c’est pas juste.Tu veux que je te dise ce qui est pas juste ? Ça, mec, ça.J’écarte les bras.Je lui dis que ce n’est pas juste que tout le monde soit mort, que rien ne soit plus comme avant.Je voudrais poursuivre, lui dire que ce n’est pas juste que lui, le prédateur des Narcotiques anonymes qui chasse les petites jeunes sans défense, se retrouve avec Kay.Ce n’est pas juste que je doive faire comme si tout allait bien.Prendre le rôle du leader équilibré, alors que je n’ai qu’une envie, m’enfermer dans la bagnole avec la réserve de méth et me défoncer la gueule jusqu’à m’en faire exploser le cœur.Je lui dis de me faire confiance.Que ce bruit n’était rien et que, pour l’instant, ça ne vaut pas le coup d’inquiéter les autres.16 h 15Après une réunion rapide, on décide qu’un cristal par jour n’est pas assez.On se met d’accord pour deux [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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