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.Regardez bien.Cette chaîne, ici, commande le volet de l’escalier de gauche, par où les serveurs arrivent avec leurs bières et autres.Tous les serveurs portent une toque pour que leurs cheveux ne tombent pas sur leur plateau.Voilà quel va être notre jeu.Chacun à notre tour, nous allons baisser la chaîne du volet d’un ou deux maillons.À la longue, l’un des serveurs va finir par heurter de sa toque la barre inférieure du volet.Lorsque cela se produira, celui de nous deux qui aura touché à la chaîne en dernier aura perdu la partie et devra abandonner toute prétention au poste de subrécargue.Cugel étudia la chaîne, le volet qui glissait de haut en bas pour fermer le passage qui menait à l’office et les serveurs.— Les garçons n’ont pas tous la même taille, fit observer Bunderwal, et il y a environ huit centimètres de différence entre le plus petit et le plus grand.D’un autre côté, je crois que le plus grand a tendance à rentrer la tête dans les épaules.Cela complique notre stratégie.— Je tiens à stipuler, dit Cugel, qu’aucun de nous ne pourra faire un signe, appeler ou distraire les serveurs, toutes choses qui pourraient contrarier la logique du jeu.— D’accord ! Jouons en gentilshommes.De plus, pour éviter toute fallacieuse tactique de retardement, décidons que chaque manœuvre doit être effectuée avant que le second garçon n’émerge.Par exemple, vous avez baissé le volet et j’ai calculé que c’était au garçon le plus grand d’émerger.Je peux ou non, au choix, attendre jusqu’à ce qu’il ait apparu mais alors, il faudra que je fasse glisser ma chaîne avant que le deuxième garçon n’arrive.— Sage règlement, auquel j’adhère.Est-ce vous qui commencez ?— Non, car vous êtes notre invité ici, à Saskervoy, et vous aurez l’honneur du premier coup.— Merci.Cugel ôta la chaîne de la cheville qui la retenait et baissa le volet de deux maillons.— À votre tour, Bunderwal.Vous pouvez attendre jusqu’à ce qu’un garçon soit sorti et moi, j’accélère le processus en commandant des bières.— Bon.Maintenant, il faut que je fixe mon attention la plus pénétrante sur le jeu.Je vois qu’il faut développer, d’une manière extrême, son sens du minutage.Je vais baisser la chaîne de deux maillons.Le serveur le plus grand apparut, portant quatre cruches de bière sur son plateau.Cugel estima que le volet le surplombait de treize chaînons.Donc, il en laissa glisser quatre.— Ah ! ah ! s’exclama Bunderwal.Vous jouez avec perspicacité ! Je vais vous montrer que je ne suis pas moins impétueux que vous ! Encore quatre maillons !Cugel évalua la situation, les yeux plissés.Encore six chaînons de plus et la toque du plus grand des serveurs tomberait au passage.S’ils servaient régulièrement chacun leur tour, celui-là sortirait le troisième.Cugel attendit que le garçon de taille moyenne soit passé puis il baissa la chaîne de cinq maillons d’un coup.Bunderwal eut un hoquet de surprise puis poussa un petit cri de triomphe.— Bonne idée, Cugel ! Mais moi, je me dépêche de faire glisser deux chaînons de plus et ainsi, j’évite le plus petit serveur qui monte maintenant l’escalier.Sa toque passa à un ou deux maillons du volet ; Cugel devait soit agir, soit se retirer du jeu.D’un air morne, il fit descendre la chaîne d’un maillon et voilà que le plus grand serveur sortit de l’office.Par chance, tout en montant, il baissa la tête afin de s’essuyer le nez sur sa manche, et il passa sous le volet sans déranger sa toque.Et ce fut au tour de Cugel de glousser de joie.— À vous, Bunderwal, à moins que vous n’acceptiez de vous reconnaître vaincu.L’air inconsolable, Bunderwal laissa la chaîne glisser d’un chaînon.— Il ne me reste plus qu’à prier pour qu’un miracle se produise.Krasnark, l’aubergiste, montait l’escalier : un homme aux traits lourds, avec des bras énormes et de noirs sourcils qui lui retombaient sur les yeux ; il était plus grand que le plus grand de ses serveurs.Il portait, sur son plateau, une soupière, une volaille rôtie et un grand hémisphère, tremblotant, de dessert à la crème sure.Il heurta de la tête la barre du volet, tomba en arrière et disparut.De l’office leur parvinrent presque aussitôt un bruit de vaisselle cassée et des cris de fureur.Bunderwal et Cugel s’empressèrent de relever le volet et regagnèrent leurs places.— C’est moi le gagnant puisque c’est vous qui aviez touché à la chaîne en dernier.— Pas du tout ! protesta Bunderwal.Le but de ce jeu, c’était de faire tomber la toque de l’un des trois serveurs.Ce qui n’a pas eu lieu puisque Krasnark a interrompu la partie.— Le voici qui examine le volet d’un air perplexe.— Impossible de continuer.Quant à moi, je proclame que le jeu est terminé.— Mais le jugement n’a pas été prononcé, dit Cugel.Je suis nettement le gagnant.— Krasnark ne portait pas de toque et c’est sur elle que reposait toute l’astuce du jeu.Trouvons une autre épreuve dans laquelle la chance jouera un rôle plus décisif.— Voilà enfin le serveur avec nos bières.Garçon, vous n’êtes pas très rapide !— Je suis désolé, monsieur, Krasnark est tombé dans l’escalier de l’office et cela a mis tout le monde en émoi.— Je m’en doute.Bunderwal, expliquez-moi votre nouveau plan.— Il est tellement simple que j’en suis gêné.La porte, là-bas, mène à l’urinoir.Observez la salle et choisissez un champion.Je vais faire de même.Le dernier à se rendre à l’urinoir fera gagner celui qui l’a distingué.— Ce n’est pas mal.Avez-vous trouvé votre champion ?— Oui.Et vous ?— Je l’ai sélectionné tout de suite.Je le crois invincible dans ce type de concours.C’est l’homme assez âgé, au nez mince et à la bouche pincée, qui est assis sur ma gauche.Je lui fais confiance car, rien qu’à la manière dont il tient son verre, je le crois sobre.— C’est un bon choix, admit Bunderwal.Par hasard, j’ai choisi son compagnon, le gentilhomme en robe grise qui sirote sa bière avec répugnance.Cugel appela le garçon et lui dit, de manière à ce que Bunderwal ne l’entende pas :— Les deux messieurs qui sont à ma gauche… pourquoi boivent-ils si lentement ?— Si vous voulez tout savoir, dit le garçon en haussant les épaules, ils détestent dépenser de l’argent, bien que tous deux disposent d’une fortune considérable.Ils viennent à cette heure couver un quart de pinte de bière bon marché, la plus âcre qui soit.— Dans ce cas, allez porter à ce gentilhomme en gris une double pinte de votre meilleure bière, que vous mettrez sur mon compte.Mais ne lui dites pas que c’est moi qui le lui offre.— Très bien, monsieur.Le garçon se retourna alors pour répondre à l’appel de Bunderwal qui échangea avec lui quelques chuchotements.Le serveur s’inclina et descendit à l’office.Il revint bientôt pour servir aux deux champions de grandes chopes de bière qu’ils acceptèrent de bonne grâce mais avec la même mine lugubre ; cette générosité les laissa nettement perplexes.Cugel s’inquiéta en voyant son champion boire sa bière avec avidité.— J’ai peur d’avoir fait un mauvais choix, s’inquiéta-t-il.Il boit comme s’il venait de passer une journée dans le désert.Bunderwal aussi critiqua son champion.— Il est déjà le nez dans sa chope.Votre tour est vraiment sournois ; pour protéger mes intérêts, j’ai été obligé de consentir à une dépense considérable.Cugel pensa détourner son champion de sa boisson en engageant la conversation avec lui.Il se pencha et dit :— Monsieur, vous résidez à Saskervoy, n’est-ce pas ?— Oui.Et tout le monde sait combien ici nous répugnons à parler avec des inconnus habillés bizarrement.— Vous êtes aussi célèbres pour votre sobriété [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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