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.Kate ? Grâce ? Joan ? Betty ?Le capitaine lut et relut le mot, espérant un miracle, souhaitant qu’entre les lignes apparût séance tenante un prénom.Plat, elliptique, le texte se limitait à cette indication.Impuissant, Monrœ tendit le papier à Greg qui le déchiffra à son tour.Le mécanicien opina du chef, soupira, manipula la feuille puis la remit au capitaine.— Merci.Le capitaine faillit murmurer « De rien », comprit que c’était absurde, grommela entre ses dents, se tut, fixa l’horizon à bâbord.— C’est tout ? demanda Greg en levant le front, l’œil clair comme s’il ne s’était rien passé.Cette question abasourdit les marins présents dans la pièce.Ils crurent avoir mal entendu.Le capitaine, à qui il revenait de répondre, ne sut comment réagir.Greg insista :— Je peux retourner à mon travail ?Devant tant de placidité, le capitaine, ressentant une piqûre de révolte, tenta d’ajouter de l’humanité à cette scène absurde :— Greg, nous ne serons que dans trois jours à Vancouver.Voulez-vous que d’ici-là nous essayions de contacter le médecin pour qu’il nous renseigne ?— Vous pourriez ?— Oui.Nous n’avons pas ses coordonnées puisqu’il a appelé le siège de la compagnie, mais en cherchant bien, on remonterait à la source et…— Oui, ce serait mieux.— Je m’en occupe personnellement.— C’est vrai, poursuivit Greg, qui parlait tel un automate, il vaudrait tout de même mieux que je sache laquelle de mes filles est…Là, il marqua un temps.Au moment où il allait prononcer le mot, il se rendit compte de ce qui était arrivé : un de ses enfants avait perdu la vie.Il s’arrêta, bouche ouverte, son visage devint cramoisi, ses jambes mollirent.D’une main, il s’accrocha à la table des cartes pour se retenir.Autour de lui, les hommes étaient presque soulagés de le voir enfin souffrir.Le capitaine s’approcha, lui tapota l’épaule.— Je m’en charge, Greg.Nous allons éclaircir ce mystère.Greg toisa la main qui, sur son ciré humide, provoquait des couinements.Le capitaine suspendit son mouvement.Ils restèrent gênés, aucun n’osant regarder l’autre dans les yeux, Greg par peur d’exprimer sa douleur, le capitaine par peur de recevoir cette détresse en pleine figure.— Prenez votre journée, si vous voulez.Greg se raidit.La perspective de chômer l’angoissa.Qu’allait-il faire s’il ne travaillait pas ? Le choc lui redonna la parole.— Non, je préfère pas.Chaque homme présent dans la pièce envisagea le supplice qu’allait endurer Greg dans les heures qui venaient.Prisonnier du bateau, muet, solitaire, il allait être écrasé par un chagrin aussi lourd que la cargaison, torturé par une horrible question : laquelle de ses filles était morte ?De retour à la salle des machines, Greg se jeta dans le travail comme on fonce sous la douche lorsqu’on est couvert de boue ; jamais les tuyaux ne furent décrassés, décapés, lustrés, réajustés, resserrés avec autant d’énergie et de minutie que cette après-midi-là.Cependant, malgré la besogne, une idée le gagnait, s’ancrait sous son crâne.Grâce… Le visage de sa deuxième fille avait envahi son imagination.Grâce serait-elle morte ? Grâce, quinze ans, avec sa joie de vivre explosive, sa face irradiée par le sourire, Grâce, amusée, amusante, énergique et irrésolue, n’était-elle pas la plus chétive ? Sa gaieté n’avait-elle pas instillé en elle une force nerveuse qui lui conférait l’apparence de la santé mais ne la rendait ni plus épaisse ni plus résistante ? N’avait-elle pas rapporté de la garderie, de l’école, du lycée, les maladies que pouvaient lui transmettre ses camarades ? Grâce, de trop bonne nature, semblait candidate à tout, les jeux, les amitiés, les virus, les bactéries, les microbes.Greg se figura qu’il n’aurait plus le bonheur de la voir marcher, remuer, pencher la tête, lever les bras, rire à pleine bouche.C’était elle.À n’en pas douter.Pourquoi cette idée ? Était-ce une intuition ? Recevait-il une information télépathique ? Il s’arrêta de frotter un instant.Non, en fait, il ne savait pas ; il craignait.S’il songeait d’abord à elle, c’était parce que Grâce… était sa fille préférée [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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